La loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions a été définitivement adoptée le 9 juillet 1998. Certains articles de cette loi sont contestés, devant le Conseil constitutionnel, par plus de soixante députés.
Leur recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes :
I. - Sur la taxe sur les logements vacants
A. - L'article 51 de la loi adoptée s'insère dans un ensemble de dispositions tendant à rendre plus effectif le droit au logement, affirmé par la loi du 31 mai 1990. Il s'agit, plus particulièrement, de mobiliser et d'accroître l'offre de logements, en incitant les propriétaires de logements vacants à les mettre en location.
A cette fin, la disposition contestée introduit, dans le code général des impôts, un article 232 tendant à instaurer une taxation des logements vacants depuis plus de deux ans dans les zones urbaines de plus de 200 000 habitants qui connaissent d'importants déséquilibres entre l'offre et la demande de logements.
A l'appui de leurs critiques, les députés, auteurs de la saisine, estiment d'abord que cet article doit être censuré pour « incompétence négative ». Ils considèrent, à cet égard, qu'en s'en tenant à des termes imprécis le législateur a méconnu l'étendue de la compétence que lui attribue l'article 34 de la Constitution en cette matière. Ils font également grief au nouvel article 232 du code général des impôts de ne pas fixer les règles de recouvrement de la taxe qu'il institue et de ne pas définir les éléments de preuve du caractère involontaire de la vacance.
Les requérants estiment en outre que le régime de cette taxe méconnaît le principe d'égalité devant les charges publiques en exonérant sans justification certains contribuables potentiels.
Ils soutiennent enfin que l'affectation du produit de cette taxe est décidée par la loi en méconnaissance du principe d'universalité budgétaire affirmé par l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances.
B. - Pour sa part, le Gouvernement considère que, en adoptant ces dispositions, le Parlement n'a pas méconnu la Constitution.
1. On observera d'abord que certains des moyens invoqués à l'encontre de cet article procèdent d'une lecture erronée de la loi.
Ainsi, le moyen tiré de ce que le nouvel article 232 du code général des impôts ne fixerait pas les règles de recouvrement de la taxe qu'il institue manque en fait : le VII de cet article rend expressément applicables les règles de recouvrement régissant la taxe foncière sur les propriétés bâties.
De même peut-on passer rapidement sur le grief fondé sur l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959, qui réserve à la loi de finances la possibilité de procéder à une affectation de recettes. Cette disposition, qui ne concerne que le budget de l'Etat, ne s'applique pas aux établissements publics (no 90-285 DC du 28 décembre 1990). Or, en l'espèce, ce n'est pas à l'Etat, mais à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, c'est-à-dire à un établissement public, que la loi affecte le produit de la taxe en cause. Le grief est donc inopérant.
2. Le Conseil constitutionnel ne pourra non plus accueillir le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 34 de la Constitution.
a) Sur un plan général, l'argumentation développée par les requérants appelle deux types de remarques.
En premier lieu, il convient de rappeler que le fait qu'une disposition puisse paraître imprécise n'est pas, par lui-même, de nature à affecter sa conformité à la Constitution (no 82-149 DC du 28 décembre 1982). En droit français, il n'est pas d'usage que les textes normatifs définissent chacun des termes qu'ils emploient : en cas de litige, il appartient aux juridictions chargées d'appliquer la loi de l'interpréter comme l'implique, de manière générale, le principe énoncé par l'article 4 du code civil.
C'est donc seulement dans la mesure où le respect des exigences découlant de l'article 34 est véritablement en cause que l'imprécision de la loi peut être utilement contestée sur un terrain constitutionnel.
En second lieu, on soulignera que la compétence que le législateur tient de cet article pour fixer les règles concernant « l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature » n'implique nullement que le régime applicable à une imposition soit entièrement contenu dans des dispositions législatives (cf. par exemple, en matière de taux, la décision no 87-239 DC du 30 décembre 1987). La Constitution n'interdit donc pas le renvoi à des dispositions réglementaires pour préciser les modalités d'application de la loi fiscale (no 80-126 DC du 30 décembre 1980). Elle permet, en particulier, au législateur de se borner à poser le principe de l'application d'un régime fiscal spécifique dans des zones déterminées du territoire de la République et de laisser à un décret le soin de délimiter ces zones, sur la base des critères énoncés par la loi (no 94-358 DC du 26 janvier 1995).
Dans ces différentes hypothèses, le respect de l'article 34 de la Constitution est assuré dès lors que le renvoi au pouvoir réglementaire fait l'objet d'un encadrement suffisant.
b) Tel est bien le cas en l'espèce.
En adoptant le I du nouvel article 232 du code général des impôts, le législateur n'a pas laissé à l'administration fiscale le soin d'apprécier, au cas par cas, si le texte qu'il a créé peut trouver à s'appliquer. Il a, en effet, renvoyé à un décret le soin de fixer, compte tenu des critères énoncés, la liste des communes qui remplissent ces conditions et dans lesquelles, par conséquent, la taxe sera instituée. Et il l'a fait en définissant un encadrement suffisant :
- d'une part, le législateur a clairement désigné les catégories de communes dans lesquelles la taxe serait instituée : il s'agit des communes appartenant à des zones d'urbanisation continue de plus de 200 000 habitants ;
- d'autre part, les conditions spécifiques caractérisant le « déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements, au détriment des personnes à revenus modestes et des personnes défavorisées » sont précisées par la loi : il s'agit de communes dans lesquelles il y a un « nombre élevé de demandeurs de logements par rapport au parc locatif » et, dans le même temps, une proportion « anormalement élevée de logements vacants par rapport au parc immobilier existant ».
Ce faisant, le Parlement a suivi une démarche analogue à celle qu'il avait empruntée en adoptant la loi d'orientation pour l'aménagement du territoire du 4 février 1995, et notamment les articles 1465 A et 1466 A du code général des impôts, issus de l'article 52, dont les dispositions ont été jugées conformes à l'article 34 de la Constitution par la décision précitée du 26 janvier 1995.
C'est donc en vain que les requérants font valoir que le mode de rédaction de la première phrase du I de l'article 232 pourrait donner lieu, en raison de son caractère selon eux imprécis, à des atteintes au droit de propriété ou à l'égalité devant les charges publiques. Qu'il s'agisse d'apprécier le « déséquilibre marqué entre l'offre et la demande de logements » ou de mettre en oeuvre la notion de « personnes à revenus modestes » et celle de « personnes défavorisées », c'est au Gouvernement qu'il appartiendra de dresser, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la liste de communes prévue par la seconde phrase du même article .
Pour ce faire, il ne sera nullement en terrain inconnu, dès lors que les critères définis par la loi se rattachent tous à des notions parfaitement connues :
- les « zones d'urbanisation continue de plus de 200 000 habitants » sont à rapprocher de celles que définit l'article L. 302-5 du code la construction et de l'habitation, issu de la loi d'orientation sur la ville du 13 juillet 1991, renvoyant aux données du recensement général de l'INSEE ;
- les personnes à revenus modestes sont les personnes ayant accès aux logements locatifs sociaux, conformément à l'article L. 411-1 du même code ;
- les personnes défavorisées sont les personnes visées à l'article 1er de la loi du 31 mai 1990, dite « loi Besson », auxquelles la présente loi fait référence en renvoyant aux fichiers de demandeurs prioritaires des plans départementaux de logement des personnes défavorisées ;
- le nombre des demandeurs de logement est une donnée de fait, constatée par les fichiers de demandeurs de logements sociaux existants ;
- enfin, la proportion anormalement élevée de logements vacants résulte de l'examen des données sur ce sujet et conduit à retenir les zones d'urbanisation continue dont le taux de logements vacants est supérieur à la moyenne constatée dans les agglomérations de plus de 200 000 habitants.
Par ailleurs, le législateur a clairement posé comme condition d'exigibilité de la taxe que le logement soit vacant depuis au moins deux années consécutives au 1er janvier de l'année d'imposition. Ce critère ne se réfère donc nullement à la bonne foi du propriétaire, mais à une situation de fait objective qui se déduira de l'absence d'assujettissement à la taxe d'habitation, ces deux impôts étant exclusifs l'un de l'autre.
En effet, seuls les locaux meublés au 1er janvier de l'année d'imposition sont susceptibles d'être imposés à la taxe d'habitation. En revanche, la taxe sur les logements vacants ne vise que les locaux vides de tout meuble, et dès lors non soumis à la taxe d'habitation. Ce point a d'ailleurs été précisé lors des travaux préparatoires du projet de loi (cf. rapport AN no 856 au nom de la Commission spéciale, p. 104 et 105) et lors des débats (cf. JO AN, séance du 13 mai 1998, p. 3803 ; Sénat, séance du 11 juin 1998, p. 3002).
Enfin, il est exact qu'il n'est pas prévu qu'un décret intervienne pour préciser les conditions d'application du VI, aux termes duquel « la taxe n'est pas due en cas de vacance indépendante de la volonté du contribuable ». Un tel décret n'est en effet pas nécessaire, s'agissant d'une disposition qui, contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, se suffit à elle-même. Il appartiendra à l'administration fiscale d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'impôt, si cette vacance est volontaire ou non, sans que le pouvoir du juge à l'égard de la valeur des justifications qui lui sont fournies par les parties à un litige ait à être encadré par des dispositions législatives ou réglementaires.
A cet égard, le service des impôts pourra s'inspirer de la jurisprudence dégagée pour l'application de l'article 1389 du code général des impôts, qui retient le même critère en matière de taxe foncière. L'appréciation sera toutefois nécessairement plus souple, compte tenu de l'objet spécifique de la taxe sur les logements vacants. Il suffira au contribuable de justifier qu'il a effectué toutes les démarches nécessaires pour vendre ou louer son logement vacant.
Par exemple, si le contribuable peut faire état de sa volonté réelle de vendre le logement (mise en vente dans plusieurs agences, adaptation du prix de vente aux conditions et évolution du marché, etc.) ou de le louer, il pourra bénéficier de l'exonération prévue par le texte.
3. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques ne peut davantage être retenu.
Comme le rappelle la saisine, il résulte d'une jurisprudence constante que le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général. Dans un cas comme dans l'autre, la différence de traitement qui en résulte doit être en rapport avec l'objet de la loi qui l'établit.
C'est en conformité avec ces principes que le II du nouvel article 232 exonère de la taxe créée par le I les logements vacants détenus par les organismes d'habitation à loyer modéré et les sociétés d'économie mixte et destinés à être attribués sous conditions de ressources. La catégorie de propriétaires ainsi visée est, en effet, dans une situation spécifique, dès lors qu'il découle des règles qui les régissent que ces bailleurs, d'une part, ont nécessairement pour vocation de mettre en location les logements qu'ils détiennent, sans autre usage possible, d'autre part, sont soumis au contrôle de la puissance publique, qui est ainsi à même de vérifier qu'ils accomplissent leurs missions conformément à l'intérêt général.
Pour autant, l'exonération tenant au caractère involontaire de la vacance, prévue par le VI du même article , n'aurait pas suffi, contrairement à ce que soutient la saisine, à rendre compte de cette situation spécifique, certaines situations de « gel » des mises en location pouvant tenir à d'autres raisons légitimes, telles que le délai nécessaire à la réalisation de travaux de réhabilitation ou de projets de démolition dans le cadre d'opérations de restructuration urbaine.
II. - Sur la nouvelle procédure de réquisition
A. - L'article 52 de la loi déférée introduit dans le titre IV du livre VI du code de la construction et de l'habitation un chapitre II, intitulé « Réquisition avec attributaire ».
Il tend, comme l'article précédent, à rendre plus effectif le droit au logement, en permettant au préfet de réquisitionner les logements vides depuis plus de dix-huit mois qui appartiennent à des personnes morales. Cette réquisition sera décidée pour une période d'un à six ans qui pourra, dans certains cas particuliers, durer plus longtemps, sans pouvoir excéder douze ans. Elle permettra l'exécution de travaux par un attributaire qui assurera la gestion des locaux, et qui pourra être l'Etat, une collectivité territoriale, un organisme d'HLM, une société d'économie mixte ou un organisme agréé. Les bénéficiaires, personnes à revenus modestes ou défavorisées, acquitteront un loyer en rapport avec leurs moyens, tandis que le titulaire du droit d'usage percevra une indemnité mensuelle, ainsi que, le cas échéant, une somme correspondant au préjudice causé par la mise en oeuvre de la réquisition.
Selon les députés saisissants, le législateur serait resté en deçà de la compétence que lui assigne, en ces matières, l'article 34 de la Constitution, en s'en tenant à des critères imprécis pour définir le champ d'application de ce dispositif. Les requérants estiment également que la disposition contestée méconnaît le droit de propriété en portant, par la durée de douze ans qu'elle autorise, une atteinte excessive au droit de disposer librement de son bien, et en faisant supporter, par le propriétaire, le coût de travaux qu'il n'aura pas décidés. Aux yeux des auteurs de la saisine, la mise en oeuvre de cette procédure de réquisition pourrait en outre favoriser, faute de garanties, des atteintes au respect de la vie privée et à l'inviolabilité du domicile.
B. - Ces critiques ne sont pas fondées.
1. En premier lieu, le législateur n'a nullement méconnu l'étendue de sa compétence en définissant comme il l'a fait le champ d'application de la nouvelle procédure de réquisition.
On rappellera d'abord, à cet égard, qu'en vertu de l'article 34 de la Constitution il appartient seulement à la loi, s'agissant des procédures affectant le régime du droit de propriété, d'en définir les principes fondamentaux. C'est dire que, si la loi doit énoncer les cas dans lesquels la procédure de réquisition peut être mise en oeuvre, les garanties essentielles qui doivent l'accompagner ainsi que les catégories de personnes pouvant en bénéficier, elle n'a pas à régir cette procédure dans tous ses détails.
En l'espèce, la loi prévoit que la réquisition avec attributaire peut s'appliquer, au profit de personnes modestes ou de personnes défavorisées, dans les communes dans lesquelles il existe un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements. Cette condition a été retenue en s'inspirant du régime de réquisition actuellement organisé par les articles L. 641-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, dont l'application est subordonnée, par l'article L. 641-12, à l'existence d'une crise du logement. Pour l'application de ce texte, la jurisprudence administrative (CE Ass., 11 juillet 1980, Lucas) a défini la notion de crise du logement comme « l'existence d'importants déséquilibres entre l'offre et la demande de logements au détriment de certaines catégories sociales ».
Pour caractériser ce déséquilibre, il sera tenu compte de l'existence d'un nombre élevé de demandeurs des logements sociaux dans une commune, quelle que soit l'ampleur du parc de logements sociaux dont elle dispose. A cet égard, la réforme du traitement des demandes d'attributions de logements locatifs sociaux, organisée par l'article 56 de la loi, permettra de disposer de données exhaustives permettant une appréciation encore plus précise des demandeurs de logements sociaux et de leurs besoins.
Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de la saisine, les notions de personnes à revenus modestes et de personnes défavorisées ne sont pas non plus entachées d'imprécision.
La première renvoie aux dispositions de l'article L. 411-1 du code de la construction et de l'habitation, qui dispose que : « Les dispositions du présent livre (habitations à loyer modéré) ont pour objet de fixer les règles relatives à la construction, l'acquisition, l'aménagement, l'assainissement, la réparation, la gestion d'habitations collectives ou individuelles, urbaines ou rurales, répondant aux caractéristiques techniques et de prix de revient déterminées par décision administrative et destinées aux personnes et aux familles de ressources modestes. »
Les personnes défavorisées sont, pour leur part, définies par la loi no 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement. Aux termes de l'article 1er de la loi : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir. » L'article 2 de cette loi crée des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, qui fixent les mesures permettant aux personnes visées à l'article 1er d'accéder à un logement indépendant ou de s'y maintenir. L'article 4 de la loi dispose que « ce plan doit accorder une priorité aux personnes et familles sans aucun logement ou menacées d'expulsion sans relogement ou logées dans des taudis, des habitations insalubres, précaires ou de fortune ».
C'est donc au regard de ces dernières dispositions que devront être appréciées les mauvaises conditions de logement qui permettent d'obtenir le bénéfice d'un logement réquisitionné.
En résumé, les autorités qui auront à appliquer le nouveau régime de réquisition le feront au regard de critères qui n'ont rien d'inédit ni rien d'arbitraire (voir par exemple, pour le rejet de griefs mettant en cause l'imprécision de notions telles que « manquement grave » ou « heures d'écoutes significatives », les décisions no 88-248 DC du 17 janvier 1989 et no 91-304 DC du 15 janvier 1992). Et elles agiront naturellement sous le contrôle de la juridiction administrative, dont l'intervention n'avait pas, contrairement à ce que soutiennent les saisissants, à être expressément prévue par la loi.
2. En deuxième lieu, s'il n'est pas douteux que le droit de propriété a une valeur constitutionnelle, il est tout aussi constant que le législateur peut y déroger pour en concilier l'exercice avec d'autres principes ou objectifs constitutionnels. Or, au nombre de ces derniers, figure notamment la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent (no 94-358 DC du 19 janvier 1995).
En adoptant les dispositions critiquées, le législateur s'est borné à concilier, comme il lui appartient de le faire, la mise en oeuvre de cet objectif constitutionnel avec le respect dû au droit de propriété.
A cet égard, il convient d'abord de souligner que la procédure de réquisition avec attributaire ne saurait être analysée comme organisant une privation du droit de propriété ou une dépossession. Elle concerne seulement les conditions d'exercice de son démembrement que constitue un droit réel conférant l'usage. Ce droit peut être issu de la propriété elle-même, d'un usufruit, d'un droit d'usage ou d'habitation, d'un bail emphytéotique, d'un bail à construction ou encore d'un bail à réhabilitation.
Il est exact que, comme le soulignent les requérants, la durée de la réquisition met en cause l'exercice des droits ainsi visés pour une période supérieure à celles prévues, au titre du régime actuel de la réquisition de logements, par les articles L. 641-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation.
Mais l'on ne saurait, pour autant, en inférer que l'exercice du droit de propriété s'en trouverait vidé de sa substance. D'une part, en effet, il faut rappeler que sont seuls visés les biens appartenant à des personnes morales. D'autre part, et surtout, il convient de souligner que la nouvelle procédure ne concerne, d'après les termes mêmes du nouvel article L. 642-1, que des logements vacants depuis plus de dix-huit mois. C'est dire que la loi se borne à permettre que - dans certaines hypothèses où l'objectif constitutionnel mentionné plus haut le justifie - le titulaire du droit d'usage puisse être temporairement privé d'un droit qu'il n'exerçait pas et dont, néanmoins, il pourra continuer de percevoir, sous forme d'indemnités, des revenus. En outre - et sauf dans le cas des droits d'usage et d'habitation qui sont incessibles en vertu des dispositions générales de l'article 631 du code civil - il reste libre de céder ses droits résiduels au cours de la période de réquisition.
Il n'y a donc là aucune atteinte excessive au droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration de 1789, au regard d'une jurisprudence bien établie qui a admis, par exemple, que le législateur puisse :
- empêcher le propriétaire d'exploiter lui-même son bien ou faire pratiquement obstacle à ce qu'un propriétaire puisse aliéner un bien, faute pour l'acquéreur éventuel d'avoir obtenu l'autorisation d'exploiter ce bien (no 84-172 DC du 26 juillet 1984) ;
- ou permettre à toute personne physique autorisée par un tribunal d'exploiter un bien lorsque le propriétaire n'a pas satisfait à certaines obligations (no 85-189 DC du 17 juillet 1985).
Dans ces différentes hypothèses, tout comme dans le cas de la nouvelle procédure de réquisition, le droit de propriété est certes affecté, mais sans être pour autant vidé de son contenu ni dénaturé.
En l'espèce, la réquisition avec attributaire n'impose au propriétaire d'autre contrainte que la privation de l'usage. Elle peut ainsi être analysée comme une servitude temporaire d'affectation, dont la conformité à la Constitution est d'autant moins contestable que le législateur a en outre entendu l'assortir de trois séries de garanties.
a) D'une part, la loi a prévu que la mise en oeuvre du droit de réquisition serait subordonné au respect d'une procédure contradictoire permettant au titulaire du droit d'usage sur les locaux de faire connaître ses observations. L'intéressé sera ainsi mis à même, non seulement de contester la réunion des conditions fixées par loi, mais en outre de mettre fin à la vacance, s'il le souhaite.
b) D'autre part, la durée de la réquisition est en principe limitée par la loi à six ans. Cette durée ne peut être portée jusqu'à douze ans que lorsque d'importants travaux de mise aux normes sont nécessaires. Mais, dans ce cas, le droit de reprise peut être exercé à l'issue d'une période de neuf ans sans motivation particulière.
Il convient, à cet égard, de souligner que les seuils ainsi retenus l'ont été en cohérence avec le droit positif actuel, s'agissant des modalités d'exercice du droit de propriété sur un bien immobilier : ainsi les règles régissant la publicité foncière (décret no 55-22 du 4 janvier 1955) n'imposent la publication des baux au bureau des hypothèques que lorsqu'ils ont une durée de plus de douze années ; par ailleurs, l'article 595 du code civil édicte, pour protéger le nu-propriétaire, des inopposabilités totales ou partielles concernant les baux consentis par l'usufruitier pour une durée qui excède neuf ans.
Et il est clair qu'à l'issue de la période maximale ainsi fixée, le titulaire du droit d'usage qui n'a pas exercé auparavant son droit de reprise peut récupérer son bien, sans que puissent y faire obstacle les dispositions de l'article L. 642-27 nouveau concernant le relogement du bénéficiaire de la réquisition. Ces dispositions prévoient que, en l'absence de contrat de location conclu entre le titulaire du droit d'usage et le bénéficiaire au moins trois mois avant la fin de la réquisition, l'attributaire peut formuler une offre de relogement, à défaut de quoi l'obligation de reloger le bénéficiaire incombe au préfet.
Mais, quelle que soit l'issue de ces procédures, il ressort de la loi que, à l'expiration de la période de réquisition, le bénéficiaire est déchu de tout titre d'occupation dès lors que l'Etat et l'attributaire perdent tout droit sur le local réquisitionné. Une situation identique existe, par exemple, en matière de sous-location, dans laquelle le sous-locataire perd tout droit sur le logement qu'il sous-loue lorsque le contrat location de principal de ce logement vient à expiration, conformément à une jurisprudence constante depuis un arrêt de la Cour de cassation du 21 juillet 1873.
c) Enfin, il faut rappeler que le titulaire du droit d'usage d'un bien réquisitionné bénéficiera naturellement d'une indemnisation, non seulement sous la forme de l'indemnité mensuelle prévue par le nouvel article L. 642-15, mais encore à travers la réparation intégrale des préjudices causés par la mise en oeuvre du droit de réquisition, comme le souligne l'article L. 642-16.
Dans ces conditions, c'est à tort que les requérants font valoir que les travaux de mise aux normes pourraient être mis indûment à la charge du titulaire de droits. L'article L. 642-1 précise en effet que les travaux de mise en état d'habitabilité sont effectués par l'attributaire et payés par lui, et qu'aucune somme ne peut être perçue auprès du titulaire du droit d'usage lorsque le montant de l'amortissement des travaux et des frais de gestion est supérieur au loyer défini à l'article L. 642-23.
Sans doute peut-il se produire que la personne morale titulaire du droit d'usage soit amenée à subir un préjudice particulier dans le cas où, à l'issue de la période de réquisition, elle ne pourrait bénéficier, pour quelque cause que ce soit - et notamment en fonction de la nouvelle destination qu'elle entend donner aux locaux - des travaux dont le coût aura pourtant été déduit des loyers perçus par elle pendant cette période.
Mais c'est à tort que les requérants font grief au dispositif contesté de ne prévoir aucune indemnisation pour tenir compte de ce type d'hypothèse : dès lors que l'article L. 642-16 rappelle le principe - qui d'ailleurs s'appliquerait dans le silence de la loi - suivant lequel tout préjudice direct, matériel et certain causé par la mise en oeuvre de la réquisition doit être indemnisé, il est clair qu'aucun élément du préjudice indemnisable ne peut être exclu, conformément à ce qu'implique le principe d'égalité devant les charges publiques (no 85-198 DC du 13 décembre 1985).
En d'autres termes, il ne fait aucun doute que, dans le cas où le versement au titulaire du droit d'usage d'une indemnité mensuelle ne permettrait pas une indemnisation de l'intégralité du préjudice subi par lui, il serait en droit d'obtenir la réparation de tout chef de préjudice dont il pourrait justifier, en demandant au juge judiciaire, sur le fondement de l'article L. 642-16, la fixation d'une indemnisation complémentaire.
3. En troisième lieu, les dispositions des nouveaux articles L. 642-7 à L. 642-13 du code de la construction et de l'habitation ne portent, contrairement à ce que soutient la saisine, aucune atteinte à la liberté individuelle.
Il est en effet abusif d'invoquer la liberté individuelle à propos de ces dispositions, pour deux séries de raisons.
a) Les unes sont d'ordre théorique. A cet égard, le Gouvernement entend appeler l'attention du Conseil constitutionnel sur les inconvénients qu'impliquerait la consécration d'une conception extensive de la notion de liberté individuelle, compte tenu de la portée spécifique que l'article 66 de la Constitution lui attribue.
Il n'est certes pas contestable que, dans l'exercice de ses compétences, le législateur doit veiller au respect de l'ensemble des droits et libertés garantis par les textes et principes constitutionnels. Pour l'essentiel, cette exigence trouve sa source dans les dispositions de l'article 2 de la Déclaration de 1789, qui range la liberté au nombre des « droits naturels et imprescriptibles de l'homme », ainsi que dans celles de l'article 4, qui précise qu'elle « consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».
Mais les droits et libertés des individus ne sauraient être confondus avec la liberté individuelle, dès lors que la Constitution utilise cette dernière notion dans un contexte et avec un objet précis en énonçant, à l'article 66, que « nul ne peut être arbitrairement détenu. L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté indiduelle, assure le respect de ce principe... ». Comme le relevait M. Genevois dans son commentaire de la décision no 89-261 DC du 29 juillet 1989 (RFDA 89 p. 696), l'article 66 a pour origine première le souci d'instituer en droit français l'équivalent de la procédure anglaise d'habeas corpus.
On peut donc penser, avec le même commentateur, que « la liberté individuelle visée à l'article 66 rejoint le concept de sûreté personnelle en y incluant les conditions qui sont nécessaires à sa sauvegarde ». Il résulte à cet égard d'une jurisprudence bien établie que cette notion a, dans une certaine mesure, pour corollaire la liberté d'aller et venir (no 76-75 DC du 12 janvier 1977) et qu'elle inclut également l'inviolabilité du domicile (no 83-164 DC du 29 décembre 1983). La Constitution implique donc que, lorsque est en cause la liberté individuelle, au sens précis qui lui est ainsi donné, l'autorité judiciaire soit à même d'exercer son contrôle.
Dans ces conditions, et comme l'a relevé la doctrine (cf. R. Chapus, Droit administratif général I, 11e éd. no 1077 ; B. Mathieu et M. Verpeaux, chronique de jurisprudence constitutionnelle, Les Petites Affiches, 1997, no 125, p. 19) il peut paraître contestable d'assimiler d'autres droits et libertés à la liberté individuelle, au risque de perturber la répartition des compétences juridictionnelles, telle qu'elle résulte du droit positif actuel.
Pour lever toute ambiguïté, il serait donc souhaitable de réserver la notion de liberté individuelle, proprement dite, aux hypothèses où est véritablement en cause la portée de l'article 66, et notamment la compétence de l'autorité judiciaire qu'implique cet article , et de s'en tenir dans les autres cas, lorsqu'il s'agit de la liberté au sens de la Déclaration de 1789, à une terminologie différente.
Quant au respect de la vie privée de l'individu, il paraît possible de le rattacher, comme le Conseil constitutionnel semble l'avoir fait dans sa décision no 97-389 DC du 22 avril 1997, au dixième alinéa du préambule de 1946. Un tel rattachement aurait le mérite, en mettant en évidence le lien entre vie privée et familiale, de favoriser une interprétation commune de cette disposition et de celle de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, dont le respect s'impose, en tout état de cause, aux autorités nationales.
b) Quoi qu'il en soit du fondement constitutionnel retenu, c'est à tort que les requérants font grief à la procédure organisée par la loi contestée de porter atteinte au droit à la vie privée et à l'inviolabilité du domicile.
Il convient à cet égard d'observer que la réquisition avec attributaire ne peut, par définition, concerner que des locaux vacants sur lesquels seules des personnes morales autre que les sociétés civiles immobilières familiales détiennent un droit d'usage. Il est donc, en tout état de cause, abusif de faire référence à ce propos au respect du domicile et de la vie privée, sauf à en dénaturer le sens.
Il est certes exact que, pour la mise en oeuvre de la procédure, l'article L. 642-7 prévoit que le représentant de l'Etat dans le département peut consulter des fichiers dont la loi indique la nature. Cette disposition s'explique par le fait qu'il n'existe pas de fichier spécifique des locaux vacants, et le législateur n'a pas souhaité en créer.
Mais il convient d'observer que la consultation des fichiers pouvant donner des indications sur la vacance des locaux susceptibles d'être réquisitionnés est soigneusement encadrée par la loi.
Ainsi, seules des informations strictement nécessaires à la recherche des locaux vacants, à la détermination de la durée de la vacance et à l'identification du titulaire du droit d'usage sur les locaux peuvent être recueillies. L'objectif de ces consultations est de déterminer la vacance éventuelle d'un local et non de recueillir des informations sur l'identité de son occupant. Elles ne remettent en aucune manière en cause l'application, en la matière, des dispositions de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
On soulignera en outre que le droit de visite prévu au début de la procédure par l'article L. 642-7 ne saurait, en aucun cas, aboutir à une violation de domicile.
D'une part, en effet, les locaux en cause ne peuvent, par définition, appartenir qu'à des personnes morales. Or si, pour elles, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que leur domicile se situe en principe au siège fixé par les statuts, un tel local ne saurait évidemment faire l'objet d'une intention de réquisition, dès lors qu'il est par hypothèse occupé, pour permettre à la personne morale d'exercer son objet social.
D'autre part, et en tout état de cause, le droit de visite prévu par la loi ne peut concerner que des locaux a priori considérés comme vacants. Il a notamment pour objectif de vérifier que les locaux sont bien inoccupés. Cette visite suppose soit l'accord du titulaire du droit d'usage, soit, à défaut, l'autorisation du juge judiciaire. Dans un cas comme dans l'autre, la loi ne confère aucun pouvoir à l'autorité administrative pour pénétrer de force dans un local afin d'en constater la vacance. A fortiori est-il exclu que les agents de l'administration y pénètrent, s'il s'avère que le local est, en réalité, habité.
En outre, les visites n'ayant pas pour objet de saisir des pièces, la loi n'avait pas à prévoir expressément la rédaction d'un procès-verbal, même si on peut indiquer que l'établissement d'un tel document figure au nombre des conditions d'application envisagées. Les indications qui y seront portées permettront notamment d'apprécier les caractéristiques de l'immeuble. Elles pourront, en particulier, servir à motiver la notification de l'intention de réquisitionner.
4. En quatrième lieu, et enfin, c'est en vain que les parlementaires saisissants font état d'une atteinte portée au principe d'égalité devant la loi.
On ne voit pas, en effet, en quoi ce principe serait méconnu en raison du choix, que le législateur a estimé devoir faire, de ne pas abroger l'ancienne procédure de réquisition issue de l'ordonnance de 1945. En tout état de cause, les deux procédures restent différentes, à plusieurs titres.
Ainsi, le régime institué en 1945, et aujourd'hui codifié aux articles L. 641-1 et suivants du code de la construction et de l'habitation, se situe dans un contexte exceptionnel de pénurie absolue de logements. Il ne prévoit pas les mêmes conditions quant aux bénéficiaires, qui sont des personnes dépourvues de logements ou logées dans des conditions manifestement insuffisantes, ainsi que celles à l'encontre desquelles est intervenue une décision d'expulsion devenue définitive. Par ailleurs, les travaux pour rendre les locaux réquisitionnés propres à l'habitation sont à la charge du bénéficiaire, qui ne peut exiger aucune indemnisation à ce titre et peut, à l'issue de la réquisition, être tenu de remettre les lieux en l'état à ses frais (art. L. 641-10).
Le régime ancien a en outre un champ d'application beaucoup plus large que celui de la réquisition avec attributaire, puisqu'il vise également les locaux insuffisamment occupés et que, s'agissant des propriétaires, les personnes physiques sont concernées tout autant que les personnes morales.
Quelles que soient les similitudes ou les différences entre ces deux régimes, le législateur n'a fait qu'utiliser le pouvoir d'appréciation qui lui appartient en décidant de maintenir le régime institué en 1945 afin de permettre, le cas échéant, de remédier à une nouvelle pénurie qui pourrait être causée par la survenance d'évènements exceptionnels.
III. - Sur les dispositions relatives aux ventes
sur saisie immobilière
A. - L'article 107 de la loi adoptée introduit, dans le code de procédure civile (ancien), un nouvel article 706-1 qui permet de déclarer le créancier poursuivant adjudicataire d'office du bien ayant fait l'objet d'une saisie immobilière au montant de la mise à prix réévaluée par le juge.
Lorsque le bien vendu aux enchères dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière ne trouve pas d'acquéreur, un mécanisme est nécessaire pour fixer le sort du bien. Tel est l'objet, depuis 1841, de la procédure d'adjudication d'office, le créancier poursuivant devenant propriétaire du bien. Cependant, le prix du bien correspondait alors à la mise à prix fixée par le créancier.
Devant les pratiques de certains créanciers qui se bornaient à fixer la mise à prix du bien au montant de leur créance, le législateur a, par la loi du 23 janvier 1998, permis au débiteur, en ce qui concerne son seul logement principal, de contester une sous-évaluation manifeste de son bien.
Dans ce dispositif, la nouvelle mise à prix déterminée par le juge sert alors de base aux enchères. Néanmoins, en l'absence d'acquéreur, s'applique un système d'enchères sur baisses successives de la mise à prix, l'adjudication d'office au créancier poursuivant demeurant réalisée au prix fixé par ce dernier.
Mais il est apparu que ce mécanisme risquait de priver d'effet cette réévaluation : il incitait les enchérisseurs, le cas échéant en s'entendant entre eux à cette fin, à attendre la baisse de la mise à prix pour porter les premières enchères, dans l'espoir d'emporter le bien au meilleur prix.
Le nouvel article 706-1 du code de procédure civile ancien remédie à cet inconvénient en prévoyant que, en l'absence d'enchère sur la mise à prix réévaluée, le bien est remis en vente à une seconde audience, après de nouvelles mesures de publicité.
Ce renvoi ouvre une seconde possibilité de vendre le bien à un prix supérieur à la mise à prix fixée par le juge et de permettre un meilleur apurement du passif, ce qui est évidemment très important.
L'actuel article 107 supprime les enchères dites « descendantes ». S'inspirant de la procédure d'adjudication d'office, au prix fixé par le juge, existant au droit local Alsacien-Mosellan en vertu de la loi du 1er juin 1924 (art. 153 et 158), il prévoit désormais l'adjudication d'office au créancier poursuivant au montant de la mise à prix, le cas échéant réévaluée par le juge.
Selon les requérants, la création d'une telle obligation, sans contrepartie financière, porte une atteinte excessive au droit de propriété, dans la mesure où elle entraîne une rupture d'égalité injustifiée entre les propriétaires concernés, en faisant peser sur le créancier poursuivant une obligation de rachat à un prix qu'il n'a pas lui-même fixé. Ils estiment que, faute d'avoir prévu un mécanisme d'indemnisation du créancier, la disposition critiquée doit être déclarée inconstitutionnelle.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
1. S'agissant du droit de propriété, les dispositions contestées n'y apportent, contrairement à ce qui est soutenu, aucune atteinte excessive.
Il convient en effet de rappeler que le droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l'homme n'est véritablement en cause - outre le cas, qui n'est pas celui de l'espèce, d'une privation ou dépossession - que lorsque la limitation apportée à l'exercice de ce droit présente un caractère de gravité telle que le sens et la portée de celui-ci se trouvent dénaturés.
En l'espèce, le Gouvernement considère que le dispositif mis en place par l'article 107 ne porte pas atteinte aux modalités d'exercice du droit de propriété dans des conditions telles qu'elles dénatureraient celui-ci.
A cet égard, il convient d'abord de souligner que l'objectif poursuivi par l'article 107 est d'éviter les ventes à vil prix qui, étant constitutives d'une spoliation du débiteur sont, de ce fait, susceptibles de porter à son droit de propriété une atteinte contraire à la Constitution (no 89-267 DC du 22 janvier 1990).
Le dispositif nouveau entend donc remédier aux carences du système antérieur qui sacrifiait la propriété du débiteur : désormais, celui-ci ne pourra plus être exproprié, dans les termes de l'article 2204 du code civil, à un prix très inférieur à la valeur vénale de son bien sur le marché des ventes amiables.
La protection ainsi accordée au débiteur contre une cession à vil prix de son logement est d'autant plus justifiée qu'elle peut en outre se réclamer du droit au logement consacré par la décision no 94-359 du 19 janvier 1995.
Mais en rééquilibrant ainsi les intérêts des parties en présence, le législateur n'a pas, pour autant, méconnu ceux du créancier. Il convient en effet de relativiser l'atteinte portée à ses droits, en raison tant du caractère subsidiaire de l'adjudication d'office que des garanties dont le législateur a assorti la procédure.
a) Le caractère subsidiaire de la procédure contestée résulte de son encadrement par quatre séries de conditions :
- l'adjudication d'office au profit du créancier poursuivant suppose d'abord que la saisie porte sur le logement principal auquel une protection particulière doit être attachée en vertu de la jurisprudence dégagée par la décision, déjà citée, du 19 janvier 1995 ;
- elle suppose ensuite, tout à la fois, une sous-évaluation manifeste de la mise à prix fixée par le créancier lui-même, l'exercice d'un recours du débiteur sur cette mise à prix et, enfin, que le juge ait estimé devoir procéder, le cas échéant après expertise, à une réévaluation ;
- elle suppose également que le créancier n'ait pas utilisé les techniques tirées du droit commun hypothécaire qui consistent soit à céder sa créance et sa sûreté à titre accessoire, soit à pratiquer une cession d'antériorité entre créanciers munis de privilèges ou hypothèques, au bénéfice d'un créancier qui aurait davantage la capacité d'assurer la gestion ou la revente du bien. A titre d'exemple, un syndicat d'une petite copropriété auquel l'article 2103 du code civil confère, depuis la loi du 21 juillet 1994 relative à l'habitat, un super privilège de premier rang pour deux années de charges impayées, peut céder créance et rang ou « échanger » son rang de sûreté avec l'établissement de crédit qui a financé l'acquisition ; ce dernier deviendra alors « chef de file » de la procédure de saisie immobilière au terme de laquelle, dans la situation marginale invoquée par les auteurs du recours, il deviendra adjudicataire d'office du lot vendu, mais pourra être désintéressé de sa créance qui viendra s'imputer sur le prix d'adjudication correspondant à la mise à prix judiciairement réévaluée ;
- elle suppose enfin l'absence d'enchères aux audiences d'adjudication.
b) Il importe en outre de souligner que le législateur n'a pas manqué d'entourer la mise en oeuvre de cette procédure d'adjudication d'office de solides garanties pour le créancier.
La première d'entre elles réside dans l'intervention du juge qui procède à la réévaluation, au besoin après expertise, de la mise à prix, conformément au principe, énoncé notamment par la décision no 89-256 DC du 25 juillet 1989, selon lequel l'autorité judiciaire est gardienne de la propriété privée immobilière.
A cet égard, il convient de souligner que la notion de mise à prix ne saurait être confondue avec celle de valeur vénale : il s'agit seulement de fixer un prix plancher qui doit être suffisamment attractif pour attirer à l'audience le plus de candidats ; par construction, le montant ainsi fixé ne peut que rester en deçà du prix du marché des ventes amiables. C'est donc nécessairement dans ce cadre que le juge pourra être conduit à procéder à une réévaluation. Aussi, la situation dans laquelle la réévaluation excéderait la valeur du bien ne peut-elle relever que d'une hypothèse d'école.
En deuxième lieu, le créancier poursuivant peut demander au juge une nouvelle audience d'adjudication, ce qui ouvre une possibilité supplémentaire de trouver un enchérisseur. Afin d'assurer son efficacité, cette seconde audience est précédée de mesures de publicité adaptées.
En troisième lieu, le créancier peut abandonner la procédure sans en supporter les frais, en application des dispositions générales de l'article 32 de la loi no 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution. Pour autant, cet abandon n'implique aucune renonciation à sa créance.
En quatrième lieu, l'article 706-2 nouveau offre au poursuivant déclaré adjudicataire d'office au prix fixé par le juge le droit, dans un délai de deux mois, de se faire substituer un autre acquéreur, qui n'aura pas à s'acquitter de nouveaux droits de mutation.
En cinquième lieu, demeurent applicables les dispositions de l'article 708 du code de procédure civile qui permettent à tout intéressé de former une surenchère qui conduit à la remise en vente du bien.
Enfin, l'article 108 de la loi (art. L. 116 nouveau du code de la construction et de l'habitation) prévoit, en sus de l'exercice du droit de préemption urbain, une nouvelle possibilité, pour les communes, de préempter le bien, objet de la procédure.
2. Quant à l'égalité devant les charges publiques, c'est en vain que les requérants en invoquent la méconnaissance.
La saisie immobilière, que l'article en cause a pour objet de réglementer, est un mode de recouvrement des créances. Elle est donc un instrument des relations contractuelles principalement entre personnes privées.
On soulignera en outre que, contrairement à ce que soutient la saisine, l'article 107 n'a ni pour objet ni pour effet de faire peser sur le créancier des sujétions nées de l'impératif de lutte contre les exclusions. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne trouve ainsi pas à s'appliquer et le législateur n'avait donc, en tout état de cause, pas à prévoir un dispositif spécifique d'indemnisation du créancier.
En résumé, ce texte tend simplement à opérer un meilleur équilibre entre les intérêts du créancier et ceux du débiteur, afin que le droit de propriété du second soit aussi bien garanti que celui du premier.
IV. - Sur les dispositions relatives à l'hébergement
des personnes expulsées
A. - L'article 119 fait partie des dispositions de la loi qui visent à prévenir les mécanismes d'exclusion pouvant résulter de la mise en oeuvre des procédures d'expulsion. A cette fin, il insère dans le code de la construction et de l'habitation un article L. 613-6 aux termes duquel « lorsque le représentant de l'Etat dans le département accorde le concours de la force publique, il s'assure qu'une offre d'hébergement tenant compte, autant qu'il est possible, de la cellule familiale est proposée aux personnes expulsées ».
Aux yeux des auteurs de la saisine, cet article porte atteinte à l'autorité de la chose jugée et doit donc être considéré comme contraire au principe de séparation des pouvoirs.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra retenir ce grief.
L'argumentation des saisissants est, en effet, dépourvue de portée.
1. En premier lieu, les critiques des saisissants manquent en fait, dans la mesure où il résulte clairement des débats parlementaires que le législateur n'a pas entendu faire de l'hébergement de la personne expulsée une condition préalable à l'octroi de la force publique.
La rédaction définitive de l'article 119 est en effet issue, sur ce point, d'un amendement de M. Girod, sénateur, qui tendait précisément à lever toute ambiguïté à cet égard. Cet amendement a été accepté par le Gouvernement, le secrétaire d'Etat au logement ayant indiqué à plusieurs reprises qu'il n'entendait pas modifier les règles relatives au concours de la force publique ni subordonner la décision de l'accorder à une démarche administrative préalable (cf. JO, débats AN, séance du 18 mai 1998, p. 3991 ; Sénat, 12 juin 1998, p. 3155 ; AN, 1er juillet 1998, p. 5672).
L'article contesté se borne donc à consacrer dans la loi l'obligation, faite au préfet, de prendre en compte la nécessité de prévenir la situation d'exclusion qui pourrait résulter d'une expulsion sans, pour autant, mettre à sa charge une obligation de résultat. C'est seulement une obligation de moyens qui pèse sur le représentant de l'Etat : il doit s'assurer qu'une offre d'hébergement est proposée aux personnes expulsées.
L'existence d'une offre d'hébergement n'étant ainsi pas une condition obligatoire de l'octroi du concours de la force publique, c'est, en tout état de cause, en vain que les auteurs de la saisine soutiennent que la Constitution s'y oppose.
2. En deuxième lieu, on soulignera que l'article contesté concerne seulement l'exercice, par l'autorité administrative, des missions qui lui incombent au titre du concours de la force publique pour l'exécution des décisions de justice. Or, les conditions dans lesquelles cette mission s'exerce ne mettent, par elles-mêmes, en cause ni le principe constitutionnel de l'indépendance des juridictions, ni la séparation des pouvoirs, ni l'autorité de la chose jugée.
A cet égard, si l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution rappelle le principe selon lequel l'Etat est tenu de prêter son concours à l'exécution des jugements, cette obligation, qui prolonge la décision du juge, ne s'en distingue pas moins nettement. Il appartient, de manière générale, à l'autorité administrative, responsable de l'ordre public, d'apprécier les conditions d'octroi du concours de la force publique pour l'exécution d'une décision de justice ordonnant une expulsion, et les décisions prises à ce titre sont des actes administratifs dont le contentieux relève des juridictions administratives.
On rappellera que la jurisprudence a admis, de longue date, que, dans l'exercice de cette mission, le préfet tienne compte des nécessités de l'ordre public pour se prononcer sur la demande de concours qui lui est adressée aux fins d'obtenir l'exécution d'une décision de justice (CE, 30 novembre 1923, Couitéas).
Il résulte de cette même jurisprudence que, en pareil cas, la sujétion particulière qui pèse sur le justiciable qui avait sollicité le concours de la force publique est compensée par l'indemnisation du préjudice que le refus ou le retard lui occasionne, comme le confirme l'article 16 de la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.
Aussi doit-on souligner que, même si l'article contesté avait la portée que lui prêtent les requérants, il ne serait pas pour autant contraire à la Constitution.
Certes, la notion d'ordre public est traditionnellement comprise comme visant à la sécurité, la tranquillité et la salubrité publiques. L'évolution récente de la jurisprudence peut cependant conduire à considérer, comme le Conseil d'Etat l'a fait dans un arrêt d'Assemblée en date du 27 octobre 1995, commune de Morsang-sur-Orge, que le respect de la dignité de la personne humaine est une des composantes de l'ordre public. Or, c'est précisément de cette notion, combinée avec d'autres dispositions du préambule de la Constitution de 1946, que le Conseil constitutionnel a déduit, dans sa décision déjà citée du 19 janvier 1995, que la possibilité de disposer d'un logement décent constitue un objectif de valeur constitutionnelle.
Il est donc parfaitement légitime de considérer que l'ordre public serait en cause si les personnes qui font l'objet d'une procédure d'expulsion devaient se retrouver mises à la rue sans pouvoir bénéficier d'aucun hébergement.
3. En troisième lieu, il n'est pas indifférent de souligner que plusieurs dispositions législatives témoignent de préoccupations semblables.
Ainsi, la prévention des expulsions dans le cadre de procédures d'urbanisme doit permettre aux aménageurs et à leurs partenaires d'assurer dans des conditions normales le relogement d'occupants évincés dans le cadre d'opérations reconnues d'utilité publique (art. L. 314-1 et suivants du code de l'urbanisme). Lorsque l'autorité administrative est saisie d'une demande de déclaration d'utilité publique, elle est tenue de vérifier que sont prévues les conditions de relogement compatibles avec les besoins et les moyens des occupants.
De même, l'article 14 de la loi no 70-612 du 10 juillet 1970, tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre, prévoit-il que l'arrêté préfectoral doit obligatoirement mentionner les offres de relogement faites aux occupants.
De même, aussi, l'article L. 430-5 du code de l'urbanisme permet-il de subordonner l'octroi du permis de démolir au relogement des occupants. Ainsi, l'autorité qui délivre le permis peut veiller à ce que les travaux ne se traduisent pas systématiquement par des évictions sans relogement.
Enfin, la loi no 90-449 du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement a montré qu'il convenait, dans nombre de départements, de faire de la prévention des expulsions un axe prioritaire de l'intervention des plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées. Cette priorité a été de nouveau rappelée par une circulaire du ministre de l'intérieur aux préfets en date du 15 octobre 1997 (JO du 24 octobre 1997).
L'ensemble de ces textes tend à mettre en oeuvre le droit au logement et à faire en sorte que les expulsions soient accompagnées au moins d'une tentative de reloger les occupants d'immeubles.
V. - Sur la procédure d'adoption de l'article 152
A. - L'article 152 a pour objet de créer le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, organisme d'étude chargé de contribuer à la connaissance des revenus, des inégalités sociales et des liens entre l'emploi, les revenus et la cohésion sociale. Ce conseil se substitue au Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts (CSERC) institué par l'article 78 de la loi no 93-1313 du 20 décembre 1993 quinquennale relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle.
Cet article a été introduit dans la loi déférée par amendement lors de la nouvelle lecture du projet devant l'Assemblée nationale après échec de la commission mixte paritaire.
Se fondant sur la récente décision du Conseil constitutionnel relative à la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier (no 98-402 DC du 25 juin 1998), les députés saisissants estiment que cet article aurait été adopté selon une procédure irrégulière.
B. - Cette critique appelle de la part du Gouvernement la réponse suivante.
1. Dans sa décision du 25 juin 1998 précitée, le Conseil constitutionnel a considéré que : « les seuls amendements susceptibles d'être adoptés à ce stade de la procédure doivent soit être en relation directe avec une disposition du texte en discussion, soit être dictés par la nécessité d'assurer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen au Parlement ».
L'énoncé de ces nouvelles règles est précédé de motifs dans lesquels le Conseil met notamment en évidence son souci d'éviter que des mesures nouvelles puissent « être adoptées sans avoir fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures à la réunion de la commission mixte paritaire ».
Le sens et la portée de cette décision, qui infléchit notablement la jurisprudence antérieure en venant apporter une restriction au principe selon lequel le droit d'amendement, corollaire de l'initiative législative, peut s'exercer à chaque stade de la procédure parlementaire, doivent être appréciés au regard de la première application concrète faite par le Conseil des règles qu'il a dégagées.
On rappellera à cet égard que quatre articles de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ont été censurés sur ce terrain. Ces articles additionnels, issus d'amendements adoptés après l'échec de la commission mixte paritaire, se rattachaient sans doute difficilement à des dispositions du texte en discussion.
En revanche, l'article 63 de cette loi, adopté dans les mêmes conditions et soumis à l'examen du Conseil constitutionnel, n'a pas été déclaré contraire à la Constitution, alors que, au regard du lien avec le texte en discussion, ses caractéristiques n'étaient guère différentes On peut donc penser que le Conseil constitutionnel, dans la logique même de la motivation de sa décision, a pris en considération le fait que cet article 63, à la différence des quatre articles censurés, avait fait l'objet d'un examen lors des lectures antérieures, notamment parce que des amendements poursuivant le même objectif avaient été présentés et discutés lors de la première lecture.
2. Dans ces conditions, l'insertion de l'article 152 dans la loi déférée ne paraît pas tomber sous le coup de la nouvelle jurisprudence du Conseil, pour les raisons suivantes :
a) En premier lieu, la création du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale et la définition de ses missions traduisent concrètement l'une des grandes orientations de la loi déférée, telles que définies par son article 1er : l'amélioration de la connaissance des phénomènes d'exclusion, de l'appréciation des besoins des populations concernées et de l'évaluation des dispositifs de prévention et de lutte contre l'exclusion.
L'article 1er dispose à cet égard que « l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics... les organismes de sécurité sociale... poursuivent une politique destinée à connaître, à prévenir et à supprimer toutes les situations pouvant engendrer des exclusions ».
Plusieurs articles de la loi, adoptés lors de la première lecture, contribuent à la mise en oeuvre de cette orientation. Ainsi, les articles 2 (comités de liaison avec les demandeurs d'emploi), 16 (conseil départemental de l'insertion par l'activité économique), 33 (plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées), 71 (programme régional pour l'accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies), 153 (Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale) et 155 (comité départemental de coordination des politiques de prévention et de lutte contre les exclusions) ont notamment pour objet d'améliorer et d'approfondir la connaissance des phénomènes d'exclusion sociale et les besoins des personnes concernées.
C'est dans ce cadre que l'article 152 trouve sa place et sa signification. En effet, la modification essentielle qu'il apporte par rapport au dispositif actuel tient précisément au recentrage des travaux du Conseil sur les questions touchant aux revenus et aux inégalités sociales, et à l'analyse des relations entre emploi, revenus et cohésion sociale : l'intention des auteurs de l'amendement devenu l'article 152 était « d'établir le baromètre de la cohésion sociale » et de mettre en place « un outil indispensable à l'évaluation de l'efficacité de la future loi » (cf. compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, 3e séance du 1er juillet 1998 et séance du 9 juillet 1998, JO, p. 5714 et 5740).
En outre, l'existence d'un organisme d'étude de haut niveau, composé de façon à garantir son indépendance et son pluralisme et dont les travaux pourront constituer, comme ceux de l'ancien CERC, une référence unanimement reconnue, apparaît comme un élément essentiel pour que puisse être mis en oeuvre l'« impératif national » que constitue la mobilisation de tous - Etat, collectivités territoriales, partenaires sociaux, associations, etc. - dans la lutte contre toutes les formes d'exclusion sociale.
Ainsi, la définition des missions du nouveau conseil, telle qu'elle ressort du texte même de l'article 152 et des débats qui ont conduit à son adoption, et la comparaison avec le dispositif précédent issu de l'article 78 de la loi du 20 décembre 1993 font clairement apparaître une relation directe avec le texte en discussion ;
b) En deuxième lieu, la transformation de l'actuel CSERC, bien qu'adoptée sous la forme d'un article additionnel, doit être plus spécifiquement reliée avec la création, par l'article 153, de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, chargé de rassembler, analyser et diffuser les informations et données relatives aux situations de précarité, de pauvreté et d'exclusion sociale, ainsi qu'aux politiques menées en ce domaine.
Organisés et fonctionnant selon des modalités différentes, les deux organismes qui résultent des articles 152 et 153 de la loi déférée contribueront, chacun dans son registre, à l'amélioration de la connaissance en matière d'inégalités des revenus et d'exclusion sociale. Ils seront nécessairement conduits à collaborer et à partager leurs informations et leurs réflexions.
Le lien étroit qui existe entre ces deux dispositifs est attesté par le fait qu'ils ont quasiment fait l'objet d'une discussion commune et que l'adoption de l'amendement devenu l'article 152 a conduit l'Assemblée nationale à revenir sur le choix qu'elle avait fait, en première lecture, de rattacher au Premier ministre l'observatoire créé par l'article 153 : par un amendement de coordination voté corrélativement, elle a finalement décidé de rattacher cet observatoire au ministre chargé des affaires sociales.
Logiquement, en rejetant l'article 152, le Sénat a, de son côté, amendé l'article 153 pour y rétablir le rattachement au Premier ministre. L'Assemblée nationale ayant confirmé sa position lors de la lecture définitive, le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, qui couvre un champ plus vaste et prend la suite du CSERC, lequel avait lui-même succédé au CERC créé en 1966, sera rattaché au Premier ministre, tandis que l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale sera rattaché au ministre chargé des affaires sociales (cf. sur ce point le compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, 3e séance du 1er juillet 1998, JO, p. 5714 et 5715, et du Sénat, séance du 8 juillet 1998, JO, p. 3731 et 3732) ;
c) Enfin, il convient de souligner que le dépôt et le vote de l'amendement instituant le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, en nouvelle lecture après commission mixte paritaire, ont constitué la suite directe et le dénouement d'un débat intervenu en première lecture devant l'Assemblée nationale.
A cette occasion avait en effet été déposé un amendement tendant à créer un « Observatoire national de la richesse et des inégalités sociales », aux missions proches de celles finalement dévolues à l'instance créée par l'article 152. Comme il ressort clairement des débats, cet amendement était inspiré par la volonté de recréer un outil équivalent à l'ancien CERC. Cet amendement n'a finalement pas été adopté parce que le Gouvernement a indiqué qu'il était favorable au rétablissement du CERC, par transformation de l'actuel CSERC et conformément aux recommandations d'un rapport rédigé à la demande du Premier ministre par Mme Join-Lambert, mais que ces recommandations étaient en cours d'examen par les partenaires sociaux (cf. compte rendu des débats de l'Assemblée nationale, 3e séance du 19 mai 1998, p. 4110 et 4111).
C'est ce « rétablissement » auquel procède l'amendement devenu l'article 152, présenté par ses auteurs de la manière suivante : « cet amendement résulte aussi du débat que nous avons eu en première lecture, lorsque nous avons abordé le problème de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale ».
Il paraît donc possible de considérer que la mesure nouvelle contenue dans l'article 152 de la loi déférée a fait l'objet, tout comme l'article 63 de la loi portant DDOEF, d'un examen lors des lectures antérieures à l'intervention de la commission mixte paritaire.
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En définitive, aucun des moyens invoqués à l'encontre de la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions n'est de nature à en établir la contrariété à la Constitution. Aussi, le Gouvernement demande-t-il au Conseil constitutionnel de bien vouloir rejeter le recours dont il est saisi.